SUR LA COHERENCE La plupart des artistes montrent une cohérence stylistique qui permet de les reconnaître au premier coup d’œil. En ce qui concerne le collage figuratif, je parlerais d'incohérence parce que l'apparence de l’œuvre est dictée par les images trouvées et que l'art consiste à les assembler pour former un ensemble cohérent et qui reste souvent énigmatique. Alors comment reconnaître un de mes collages ? Peut-être par l'incohérence spatiale, temporelle, anatomique ou logique qui se retrouve dans ce que je fais. Et aussi par le fait de parler souvent de ce monde. A la réflexion, je m'aperçois que mes racines juives y jouent un rôle important dans le fait de me pencher sur le passé et d'être très sensible aux persécutions et à la soumission volontaire. Je me sens proche des artistes allemands - « dégénérés » ou expressionnistes d'avant le IIIe Reich et très éloigné du mainstream actuel. Quant à l'art digital, voire « collage digital », il relève, pour moi, de l'illustration et non du collage papier parce que le hasard y est quasiment absent, sans parler de injonctions écrites dans l'IA. Je constate par ailleurs que les thèmes favoris qu'on y retrouve sont le fantastique et le corps féminin plus ou moins dénudé, me faisant penser à l'art pompier et des couvertures de roman de gare. Pour clore ces réflexions, voici un collage récent qui va illustrer mon propos. Il est fait de morceaux provenant de divers magazines : un bout de méduse, un œuf et un héron, un bras bionique et , des jambes de bébé, un homme minuscule vêtu d'un lambeau d'armure, des lettres qui virevoltent et un fragment de paysage pierreux. Cette énumération de fait pas une œuvre cohérente et pourtant... les lettres font référence aux Écrits sacrés et à l'impossibilité de les connaître vraiment. D'ou le petit homme à qui j'ai donné quelques traits de juif orthodoxe. L’œuf et le serpent me renvoient au film de Bergman qui renvoie à Shakespeare : « And therefore think him as a serpent's egg/ Which hatch'd, would, as his kind grow mischievous ;/ And kill kill him in the shell. » qui traite de la montée du nazisme. Mais je reste sur ma faim et je me demande : comment tout cela se combine-t-il en un tout cohérent alors qu'il s'agit d'éléments disparates ? Question que je me pose tous les jours.
Brève biographie Il faut croire que j’étais pressé de venir au monde le 31.1.1941 puisque que le médecin n’a pu que constater ma présence à son arrivée. Peu de temps après ma naissance, nous sommes partis vivre à la campagne à cause des bombardements alliés massifs et des menaces qui planaient sur nous en raison des origines juives de ma mère. Dans ce village, Eldagsen, mon frère, notre nounou et moi habitions chez un couple de paysans, et mes parents dans une autre maison, sans doute pour nous préserver en cas d’arrestation par la Gestapo. Mes souvenirs de cette époque se bornent à des images de lieux, à quelques événements spectaculaires tels les bombardements et la précipitation avec laquelle on me conduisait dans l’abri, un ciel nocturne zébré des rayons de la DCA, les jeux de cache-cache devant la menace des avions britanniques qui volent en rase motte, une visite du jardin de notre hôte, ma literie qui touche le poêle et commence à brûler, et moi, muet et fasciné, qui...
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