Brève biographie


Il faut croire que j’étais pressé de venir au monde le 31.1.1941 puisque que le médecin n’a pu que constater ma présence à son arrivée. Peu de temps après ma naissance, nous sommes partis vivre à la campagne à cause des bombardements alliés massifs et des menaces qui planaient sur nous en raison des origines juives de ma mère. Dans ce village, Eldagsen, mon frère, notre nounou et moi habitions chez un couple de paysans, et mes parents dans une autre maison, sans doute pour nous préserver en cas d’arrestation par la Gestapo.

Mes souvenirs de cette époque se bornent à des images de lieux, à quelques événements spectaculaires tels les bombardements et la précipitation avec laquelle on me conduisait dans l’abri, un ciel nocturne zébré des rayons de la DCA, les jeux de cache-cache devant la menace des avions britanniques qui volent en rase motte, une visite du jardin de notre hôte, ma literie qui touche le poêle et commence à brûler, et moi, muet et fasciné, qui regarde ce spectacle jusqu’à ce qu’on vienne me sauver.

De mon retour à Hanovre en 1945 je n’ai que des souvenirs d’immeubles en ruine, de personnes qui crachent du sang et mendient pour obtenir un cigarette ou guettent le moment où le soldat britannique va enfin jeter son mégot d’une pichenette. Devant notre immeuble trône un piano à queue éventré. Les rues sont vides, à l’exception de quelques camions au gazogène ou militaires. On fouille les décombres. On trouve de « trésors » comme les verres du lustre vénitien de ma mère enfoui dans les gravats. On joue dans la forêt, on mendie pour avoir du chocolat. Les soldats britanniques nous en donnent parfois. Un piano éventré trône sur la place, des tuberculeux crachent leur sang, des mutilés de guerre font la manche.

Début 1946, mon père me conduit en voiture dans les Alpes bavaroises, dans un home pour enfants présentant un risque de tuberculose. Je vais y rester six mois sans contact avec ma famille, livré au sadisme de quelques « sœurs » hollandaises protestantes. C’est surtout le mercredi mon jour de cauchemar. On y sert de la viande en aspic qu’on me force à ingurgiter et que je cours vomir dans les toilettes. Malgré tout, je garde en mémoire les prés fleuris au printemps qui m’émeuvent encore aujourd’hui. Lorsque je réapparais dans ma famille, mon frère qui a cinq ans de plus que moi pousse un cri en voyant mon comportement policé à table : « Mais qu’est-ce qu’ils lui ont fait ? » Et ma mère de répondre : « Enfin, il a appris les bonnes manières ! » Je n’ai que cinq ans et pourtant, je ressens cet « accueil » maternel comme un coup de poignard dans le dos. Quant à mon père à qui j’ai fait part de cette déception bien plus tard, il s’est contenté de vanter le courage de notre mère durant les années sombres du nazisme. Peine d’enfant perdue ! Heureusement, la vie reprend comme avant et les souvenirs du home bavarois se borneront à des refus de certains plats qui persistent encore aujourd’hui.

Peu de temps après cette disgrâce, un événement inattendu survient. Je suis en train de jouer dans la rue quand une grosse limousine américaine s’arrête devant chez nous. On me prend par une main, dans l’autre je tiens une petite valise en cuir qui contient mes vêtements et un jouet. Direction Francfort, puis embarquement dans un train qui s’arrête à Bâle où des douaniers suisses zélés me font ouvrir ma valise pour la fouiller de fond en comble sur le quai de la gare. Par bonheur, quelqu’un m’attend de l’autre côté de la frontière. En voiture pour Ouchy, au bord du lac Léman, au Pensionnat Florissant. Dans cette belle et grande demeure, on n’accueille que des filles. Je suis le seul garçon. C’est grâce à une amie de mes parents dont la mère est la directrice de cet internat que j’ai pu venir là. Dans mes souvenirs, je suis au paradis. C’est l’été, la propriété descend jusqu’au lac où je me baigne souvent en compagnie d’une jeune réfugiée allemande de l’actuelle Szczecin. Elle a dix ans, moi six et je suis… amoureux. L’eau chaude coule des robinets, la nourriture est divine et il y a même du chocolat – je me rappelle avoir mendié un morceau de chocolat anglais à des soldats croisés dans ma rue à Hanovre ! Rien de comparable ici, l’abondance règne. Je passe trois mois à Ouchy, dont quelques semaines dans le chalet de vacances du pensionnat à Champéry.

Hélas, après cette période où j’ai emmagasiné tant d’images de bien-être et de beauté, me voici à nouveau à Hanovre sur le chemin de l’école avec mon frère. Pour m’y rendre, je dois prendre deux trams bondés. Comme je suis un nain parmi les géants, je crains constamment de rester coincé au milieu du wagon sans pouvoir descendre au bon arrêt. Je suis même tellement invisible que je peux économiser les quelques Pfennige que coûte le trajet pour m’acheter des bonbons et quelques bandes dessinées. Ma petite taille par rapport aux grands gaillards du Nord, mes cheveux sombres parmi les blonds me désignent rapidement comme souffre-douleur de la classe que je rejoins en cours d’année scolaire. Pour me défendre, je me mets sous la protection des forts en muscles et me rends populaire en devenant un petit boute-en-train qui sait amuser la galerie.



Nous sommes une trentaine dans cette école Steiner (Waldorfschule) qui prêche sans cesse le respect de la personne. Pourtant, alors que je suis gaucher, on me force d’emblée à écrire de la main droite. Il en résultera une spécialisation de ma main droite pour les tâches obligatoires comme le brossage des dents, l’écriture etc. et de la main gauche pour tout ce qui m’est propre comme le dessin, le sport, les gestes etc. C’est également le début de ma méfiance envers la duplicité des adultes. Je déteste l’école, à tel point que je réussis à me rendre fiévreux par auto-suggestion. Pour chaque jour de maladie, mon père, dupe ou pas dupe, m’offre un livre que je dévore en quelques heures. Cela me conforte dans mon désir d’évasion et suis ravi de constater que mon stratagème fonctionne puisqu’il fait dire à toute la famille que je suis un enfant de santé fragile. Je peux donc continuer à faire mon plein d’images sans éveiller les soupçons.

Mon autre moyen d’évasion, ce sont les rêves éveillés. Je fixe un coin du plafond de la classe et le film commence ! Mais quand l’enseignante s’aperçoit que je ne suis plus là et essaie de me coincer, j’ai réponse à tout car j’ai un atout : j’ai la capacité d’écouter ce qu’elle dit tout en rêvant. Mon désintérêt croissant pour l’école est évoqué dans les bulletins annuels qui comportent des commentaires moralisants. On me qualifie de mou et de paresseux en m’exhortant à changer à l’impératif (Sei doch nicht so lasch !) Mais je n’ai aucune envie de changer pour me conformer à ce qui est attendu. Et les séances d’eurythmie préconisées pour me remettre dans le droit chemin ne produisent aucun effet. Mon bac en poche, je referme définitivement la porte sur ce monde trop étriqué pour moi.

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Mes premiers émois artistiques

Ils remontent à mes 6 ans, quand la maîtresse entre un jour avec trois seaux de peinture à l’eau contenant les couleurs primaires d’une intensité éblouissante. On colle de grandes feuilles de papier d’aquarelle sur nos pupitres, on les mouille avec une éponge, puis, de nos trois gobelets, on verse de la couleur sur la feuille qui se mélange (ou non !) aux deux autres selon son bon plaisir. Cette expérience merveilleuse refera surface dans les années 90 où je fais de même avec des coulures de laque industrielle.

A 15 ans, et pour une raison que j’ignore, je m’achète de quoi peindre et je commence par une copie du portrait de Berthe Morisod par Manet. Tête à moitié éclairée, à moitié sombre. Le résultat me plaît et mon meilleur ami de l’époque, fantasque et élégant, m’encourage à persévérer. Je fais son portrait, également en clair-obscur très contrasté. Je découvre les les expressionnistes allemands et tente de m’en inspirer. Puis un cours en groupe sur la couleur en plein air m’apporte des connaissances plus approfondies sur les contrastes et les valeurs de gris élaborées au sein du Bauhaus.




Je comprends que ce sera là ma vocation et en aucun cas la reprise du commerce de combustibles de mes parents. Lorsque je leur fais part de mon souhait de devenir artiste, ils sont consternés. Ma mère dit qu’elle m’aurait vu ingénieur « comme son père ! » et mon père trouve que je suis trop faible et que je n’arriverai jamais à faire mon trou dans le monde artistique. Je me résous donc à travailler six mois dans une usine appartenant aux amis de mes parents, mais rien n’y fait, ma vocation reste inébranlable. De guerre lasse, nous arrivons à un compromis : je ferai des études de traduction à l’université. Comme mes notes sont moyennes en sciences, on me refuse partout, sauf à Genève. J’ai 19 ans et suis content de quitter l’Allemagne et d’échapper ainsi au service militaire. Moi, descendant d’une mère juive persécutée, dont la grand-mère a été déportée et assassinée, porter un uniforme allemand ? JAMAIS !

Peu de temps après mon arrivée, je fréquente pendant une année les cours de dessin du samedi matin à l’Ecole des Beaux-Arts, plus enthousiasmants que les cours de traduction. Quand mon professeur me propose d’entrer directement en 3e année de peinture l’année suivante, j’accepte avec joie et m’exmatricule secrètement de l’université qui en avertit aussitôt mes parents. On s’explique tant bien que mal, mais peu après, mon père me rend visite à Genève pour m’avertir qu’il ne pourra plus subvenir à mes besoins. Il prétend être à court d’argent alors qu’il est arrivé dans une voiture flambant neuve. Je capte tout de suite le mensonge. La rupture est consommée. Bien plus tard, mon frère m’avoue qu’il a persuadé mon père de me couper les vivres pour que je me confronte enfin à la « vraie vie ».Trop tard pour la réconciliation, mon père est mort longtemps déjà.

Mon passage à l’Ecole des Beaux-Arts

Le bref aperçu de l’enseignement de l’art selon les principes pédagogiques du Bauhaus que j’ai eu lors du cours sur la couleur que j’ai suivi à Hanovre n’a rien à voir avec ce qu’on m’enseigne à Genève. Ce manque de méthodologie me déroute beaucoup. En fait, on me laisse flotter sans pour autant m’encourager ni laisser libre cours à ma créativité. Dès les premiers jours, je montre mes tableaux à mon professeur de dessin que j’admire beaucoup, et qui m’a fait entrer dans cette école, mais celui-ci y jette un regard distrait et m’enjoint d’aller plutôt dessiner un buste en plâtre, Socrate en l’occurrence. Je me sens alors dévalorisé, défait, et mon inspiration un peu naïve mais si spontanée s’effondre d’un coup. Jusqu’alors je peignais spontanément, sans me préoccuper d’exactitude, de composition ou de technique. Dorénavant cela devenait plus compliqué. Je peins sur le motif dans la campagne genevoise, d’après photos – les miennes et celles vues dans la presse et également d’après mes propres dessins. Mais plus d’imagination.




A 25 ans, je fonde une famille et me rends compte que je ne peux plus me permettre d’envisager une vie d’artiste pleine et entière. Après quelques péripéties administratives peu agréables avec les autorités genevoises, je trouve un travail au noir comme manœuvre dans une imprimerie pendant deux ans, puis un emploi comme enseignant d’allemand et de français aux étrangers dans une école privée.

Malgré tout, ma vocation d’artiste est toujours là. Je continue à peindre chez moi quand je dispose d’un peu de temps libre. Et pour me permettre de créer davantage tout en me libérant des soucis de fin de mois, je me décide à reprendre des études à l’Université de Genève, qui me permettront de devenir enseignant en allemand, histoire de l’art et arts visuels dans un collège du canton durant plus de deux décennies.

Mon enseignement en arts plastiques

Dans ce collège, c’est en autodidacte que j’applique la pédagogie du Bauhaus, à moi-même d’abord, en prenant les problèmes de couleur, de composition, un par un. Il me tient à cœur d’expliquer les étapes par lesquelles il faut passer pour arriver au résultat souhaité.Grâce à ce travail je peux enseigner les arts méthodiquement et redonner à mes élèves ce qui m’a manqué aux Beaux-Arts. A cet effet, j’utilise d’abord la méthode de dessin de Betty Edwards et des exercices de couleur inspirés par Itten et Albers. Ensuite, je laisse les élèves trouver leur propre style. Il y en a qui font des BD, d’autres de la photo, d’autres encore s’essaient au modelage, à l’installation etc.

Tout au long de mes 25 ans de carrière d’enseignant, je cherche surtout à instaurer un dialogue horizontal, où les ressources, la personnalité, le talent et la liberté de chaque élève sont prises en compte et développées. Mes quelques connaissances en psychologie, notamment en systémique, y sont peut-être pour quelque chose aussi.

Plus tard, j’ai la chance de donner des cours aux art-thérapeutes en formation afin de les aider dans leur démarche artistique et cela m’ouvre encore de nouveaux horizons.

Je suis à la retraite depuis quinze ans maintenant et c’est un bonheur infini que de pouvoir m’adonner à mon art à mon rythme et à mon gré. Artiste hors des circuits et des institutions, je chéris mon indépendance et ma liberté artistique car je suis sans illusions sur le monde de l'art que je ne fréquente plus guère.

Le collage

Le souvenir du professeur qui a affiché son dédain devant mes tableaux aux Beaux-Arts, m’est resté longtemps en mémoire et me semble être à l’origine d’une année blanche (1966) durant laquelle je cesse totalement de peindre.




Pour m’en sortir, je commence à faire du collage en noir et blanc en réaction à la guerre du Vietnam, puis à l’invasion de Prague. Le sujet de mes premiers collages est politique, pacifiste ou purement fantastique. Je découvre ainsi une source d’inspiration qui va perdurer. A partir de cette époque, sauf durant la période des « coulures » (1995-2000), réminiscence de mes six ans et mes trois gobelets je peins des tableaux réalistes d’après mes propres photos ou de magazines, souvent en projection. Je peins également d’après mes collages, puis j’intègre de plus en plus de collages dans mes anciennes peintures et finis par constater que ma démarche ne me satisfait pas et n’a pas le succès escompté auprès du public.

Années 70













Années 80









Années 90-2000








Vers l’an 2000, j’invite mon meilleur étudiant en art à regarder mes tableaux et collages en lui demandant son avis. Sa réponse : « Vous êtes plus présent dans vos collages » rejoint la remarque de M. Aimé Maeght à qui un ami avait montré un jour quelques-uns de mes collages: « C’est un monde habité. » Ce collage de commentaires fait office de déclencheur. Il faut que j’abandonne la peinture ! Certes, j’y ai déjà pensé auparavant, mais dorénavant, je suis convaincu que seul le collage va me permettre de m’exprimer dans un langage pictural lisible et m’empêcher de m’enfermer dans une recherche purement formelle. Il parle plus aisément de ma vision du monde contrairement à la peinture qui ne parle… que de peinture.

Avec le temps, mes collages ont pris de plus en plus d’importance. Désormais, je pratique le collage papier uniquement. Papier, ciseaux, cutter, colle et magazines. Outre l’aspect matériel, tangible, du collage de papier – sa surface, sa brillance, son épaisseur etc. – il me semble que le fait de joindre deux bouts de papier plus ou moins grands exige de tenir compte des aspects matériels qui s’ajoutent aux aspects compositionnels. Le collage-photomontage a été inventé par DADA dans un but militant. Cette origine contestatrice, ironique, colore son origine, même s’il a été adouci par des courants surréalisants ou esthétisants actuels. Je le considère à la base comme un art de récupération, de rebut. C’est d’ailleurs ainsi que le définissait Aragon dans son livre sur le collage(*) : le « pauvre » collage, contrairement à la « luxueuse » peinture, permettrait de s’affranchir de la « domestication (de l’art) par l’argent ». C’est un art d’assemblage qui joue avec les juxtapositions comme des rimes en poésie. Tout réside dans la jointure, dans la frontière entre deux fragments photographiques.

Aujourd’hui, le collage est souvent surréaliste et il se retrouve un peu partout dans des œuvres qui mélangent peinture et éléments collés. On peut donc dire que le collage a envahi l’esthétique picturale moderne, par ex. chez l’artiste allemand Neo Rauch.

Personnellement, j’utilise le collage à la fois pour son impertinence et pour l’éclatement de l’espace traditionnel à la manière des cubistes. Je me considère comme un héritier de la tradition picturale qui tente de nouvelles approches sans rejeter le passé.

Si mes collages ont longtemps montré des transitions brusques (hard edge), je tends actuellement à privilégier des transitions plus souples. Pour le reste, les principes de composition d’une œuvre restent évidemment valables. Quant au contenu, il dépend des sources. J’utilise, entre autres, des revues d’actualité, fidèle à mon intention initiale de parler du monde dans lequel je vis. Mais je ne suis pas un dessinateur politique ! Ce que je montre est soumis à la recherche esthétique, picturale, donc plus proche du monde de la peinture ou de la photo. Pour conclure, je dirai que mes collages se font rapidement, en quelques heures tout au plus, ce qui me permet de maintenir ma concentration. C’est une question de tempérament. Faire un collage m’apporte jour après jour énormément de satisfaction et de joie et il est bien rare que je sois à court d’inspiration. Plus que mon lot quotidien, le collage est avant tout mon bonheur quotidien.

Mes doubles expositions photo

Ce que l’on appelle photomontage digital doit à mon sens rester distinct du collage. La colle ne fait pas le collage (Aragon), mais le papier y est essentiel. Joindre deux bouts de papier n’est pas comme un copier coller digital.

Mes doubles expositions photo consistent en 2 prises de vues successives qui se superposent immédiatement dans l’appareil photo. Souvent, je prends comme départ une affiche que je vois dehors. Il fut un temps où je faisais du collage dans la rue en transformant de grandes affiches publicitaires à l’aide de bouts de papier provenant d’autres images.

Le procédé utilisé pour mes doubles expositions photo du collage papier se limite à la superposition de 2 images pleines, alors qu’un collage peut être une mosaïque constituée d’une foule de petits bouts de papier. Mais j’y trouve aussi de grandes joies malgré le côté moins maîtrisable de l’image finale.


Pourquoi je suis à l’écart, jamais « découvert » par les cercles artistiques.

Sans doute parce que je ne me suis jamais efforcé de faire la promotion de mon art. Sans doute parce que le snobisme de ces cercles me répugne à cause de la prétention et la vacuité des propos qui y sont tenus. Sans doute parce que le collage est un art pauvre (Aragon). Sans doute enfin parce que je suis un immigré, intégré à moitié seulement car sans accès aux personnes qui comptent dans ce domaine. Sans doute parce que je suis issu d’un milieu bourgeois et que je n’ai pas voulu y remettre les pieds. Sans doute parce que j’ai une mère juive et que cela a renforcé mon sentiment d’être différent. Sans doute parce que mes collages ont d’autres racines que celles des artistes du pays. Du coup, quand je soumets une des mes œuvres à un concours ou une manifestation, je reste transparent ou presque. J’en veux pour preuve l’exposition genevoise consacrée aux artistes « oubliés » vivant dans la cité. Croyant que c’était une aubaine pour moi, j’ai donc envoyé mon dossier qui a été… refusé ! Conclusion : je ne suis pas oublié, mais carrément inconnu ! Y aurait-il quelque chose qui ne colle pas dans mon art ? Mieux vaut en rire… sous cape, bien entendu 


QUELQUES OEUVRES





Dreamer (2020)

J’ai choisi ce collage pour ce qu’il me raconte sur moi-même. Tout d’abord ce rêveur qui imagine toutes sortes d’aventures sorties de ses lectures et des films qu’il a vus. Ensuite le thème de la fenêtre sur un paysage moins tourmenté que celui où il se trouve et qui constitue une issue qui est nettement autobiographique. Et enfin, une image qui défie la cohésion de l’image tout en la conservant.

                          

Ici encore, le thème du départ, mais en plus joyeux. Je me retrouve bien dans cette image.



Ici, cela résonne avec avec mon séjour dans les Alpes bavaroises, mais aussi avec un moment de désorientation de nuit à l’hôpital.




Where are all my people gone (2020)

De par ma mère, j’ai des racines juives. Et le malheur a sévi dans cette branche de la famille qui est originaire de Russie. Mais point de religion de ce côté-là et chez moi non plus. Je n’ai jamais pratiqué les fêtes juives, ni la synagogue ou quelque rite que ce soit. Je ressens néanmoins une forte appartenance laïque. Cela me rend attentif aux injustices et aux discriminations. Ce collage se veut ironique, mais aussi optimiste, car la vie continue, même après les pires horreurs. Personnellement, après deux années de recherches sur l’histoire de ma famille maternelle, je regarde le présent et aussi le futur, même si le mien est rétréci.

Je suis un artiste qui regarde le monde. Mon atelier est ouvert sur ce qui se passe ailleurs, je ne suis pas rivé sur les problèmes de forme, même si je m’y frotte journellement. D’où la variété de mes thèmes, leur côté chaotique par moments, car l’ordonnance d’un monde harmonieux est perdue, il me semble. Donc plutôt jazz et rap que musique classique !




DOUBLE VUE

Cela s’appelle multistable perception et je l’utilise souvent, à l’instar de Dali par ex. Souvent, après avoir achevé un collage, je le regarde à une distance de 4m env. et constate que – si j’oublie un peu ce que j’ai fait le nez sur le collage – vu de là, l’image se transforme et montre une scène légèrment ou grandement différente. Ainsi dans mon dernier collage « Sinaï » . Vu de loin, le personnage du premier plan se mue en faille, en négatif et creuse le premier plan. Au lieu de me reculer, je peux aussi fermer mes yeux à moitié et apercevoir dans mon collage « Profil »un 2e profil tourné vers la gauche. C’est depuis toujours que je travaille les yeux plissés – c’est d’ailleurs visible sur la belle photo prise par Philippe Palma sur le vif – pour obtenir une oscillation entre deux interprétations d’une même forme cherchant ainsi à dynamiser le regard et à faire faire de nouvelles découvertes. Je crains pourtant que Facebook et Instagram atténuent cette perception instable du fait de la distance très proche par rapport à l’image. Essayez de plisser vos yeux et peut-être y verrez-vous plus clair !

L’artiste en singe narcissique.









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